Galilée et Froidmont. L’impossible dialogue?

Isabelle Pantin

Université de Nanterre

France

Libert Froidmont, théologien de Louvain, est un personnage essentiel pour saisir, dans toute sa complexité, l’évolution de la position de l’Eglise face aux nouveautés cosmologiques, dans la période critique qui suivit le décret de 1616. Il fait partie de ceux qui, probablement, auraient suivi un chemin différent, si le devoir d’obéissance ne les avait contraints à affirmer clairement leur opposition au copernicianisme. Il constitue même un cas spécialement paradoxal: on le soupçonne d’avoir été intéressé, ou même séduit, par l’héliocentrisme, et il est le premier à avoir consacré deux ouvrages à le réfuter.

Dans ses rapports avec Galilée, on retrouve le même paradoxe (doit-on dire la même ambiguïté?). Dans l’Ant-Aristarchus (Anvers, 1631), il ménage à ce point notre philosophe que celui-ci en conçoit de grands espoirs; mais dans la Vesta (1634), il porte un coup fatal à son honneur en publiant la lettre du nonce annonçant sa condamnation.

Les livres anti-coperniciens de Froidmont encadrent la publication du Dialogo. On ne peut pourtant pas parler de dialogue ou d’interférences. Galilée avait achevé son livre bien avant d’avoir pris connaissance de l’Ant-aristarchus (voir sa lettre à Diodati du 9 avril 1632), et la Vesta (malgré son fâcheux appendice), n’est en aucune façon une réponse que Froidmont lui aurait adressée.

De fait, Froidmont et Galilée n’appartenaient pas à la même sphère. S’ils n’étaient exactement ni alliés, ni adversaires, c’est qu’ils ne livraient pas le même combat. Le premier, philosophe, mathématicien et théologien, était engagé dans une lutte directe contre les Réformés (en la personne de Philip van Lansbergen), tandis que Galilée menait au contraire une entreprise de persuasion dirigée vers les milieux ecclésiastiques romains.

La relation entre ces deux personnages est donc en grande partie une illusion rétrospective, créée par l’histoire, plutôt qu’une solide réalité. Mais pour Galilée, elle a constitué, au moins un moment, une virtualité prometteuse. Nous essaierons de débrouiller un peu mieux cette question, par un examen attentif de l’Ant-aristarchus et de la Vesta.

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